jeudi 23 octobre 2008

Je baguette, tu baguettes, il...

Certaines personnes (qui se reconnaîtront à la lecture de ce billet sans inspiration) se plaignent du manque de mise à jour du blog...

Alors voici un petit article informatif sur... la baguette.


Le Français type va acheter une baguette. Le matin, le midi ou le soir, peu importe, elle fait partie de son quotidien. Le Français type, il a une baguette sous le bras, dans la poche, dans le sac ou dans l'esprit. Indispensable pour la confiture ou le fromage; pour le beurre ou le chocolat, la baguette, c'est le Français. Chez moi, la baguette n'a jamais fait partie du quotidien. On mangeait du pain libanais, tout droit sorti du congélateur. On remplissait les stocks à Beyrouth ou à l'épicerie libanaise de Courbevoie. De temps en temps, les jours festifs, une ou deux baguettes de la boulangerie Sainte Marie, à Courbevoie. A l'époque, elle valait 4 francs. Il y en avait une à 3 francs plus près de chez nous, mais c'était un terminal de cuisson, pas une boulangerie. C'était moins bon.

Bref, revenons à nos moutons : la baguette.

Le Français aime la baguette. Depuis que je travaille en boulangerie, je réalise que ce qu'il y a de meilleur, c'est le levain. Jamais plus je n'achèterai une baguette simple. Mais le Français, comme vous l'avez compris, il aime ça.
Au Grenier à Pain, il n'y a pas de baguette blanche classique. Il n'y a que des baguettes rétro. Késako la différence ?

La baguette blanche classique est très blanche, comme son nom l'indique. Sa mie est serrée, sans trop de trous. Elle est très gonflée. Très insipide aussi. Généralement, elle est à 80-90 centimes. La farine qui la compose contient des additifs (dont je ne saurais vous donner les noms). Quand on la pétrit, on y met une petite dose d'améliorant. Le pétrissage dure longtemps (d'où le blanchiment de la pâte).



Le pain de tradition française lui répond à certaines normes : la farine rétro ne contient ni additif ni conservateur; il n'y a pas le moindre améliorant au cours du pétrissage. Le pétrissage est à vitesse lente et dure peu de temps (8mn). La pâte n'a donc pas le temps d'être complètement blanchie. La mie est de couleur crème et toute alvéolée (bon, là je ne saurais pas encore très bien expliquer pourquoi. Une histoire de gluten je crois).


Ce pain là, il est bon. Par exemple : ce soir, vers 19h, je vois une baguette qui traîne près du four. Invendable car pas au bon poids. Je croque le quignon. Puis un peu plus. Puis encore plus. Je l'ai finie. Bin oui, me suis avalé toute une baguette. Comme ça. C'est qu'elle était bonne, j'y peux rien.

Passons.
Toutes ces explications pour vous dire que cet après-midi, j'ai divisé et façonné mes premières baguettes. La pâte à pain se pétrit dans un pétrin. Un gros machin rond qui tourne. A la fin, on vide le pétrin dans des bacs de 7,9 kg (opération ... qui me semblait impossible début septembre, à laquelle je m'habitue doucement). Avec un gros pétrin, on remplit 18 bacs. Une partie des bacs est stockée à une température inférieure à celle du fournil, la fermentation y est relativement ralentie. Avec le reste des bacs, on commence à diviser : une machine, la diviseuse. On y place le contenu du bac, puis prrrrrrrrr couic bam, c'est divisé en 20 pâtons. Ces pâtons sont mis en forme à la main en sorte de petits rectangles boulesques et placés dans des goutières qui tournent (bon, c'est peu clair mais je ne vois pas comment expliquer). Cette machine là, c'est la façonneuse. Dans chaque gouttière, 5 pâtons. Puis on tourne et on remplit la gouttière suivante etc. Une fois qu'on est revenu à la 1ère gouttière, on commence le façonnage : on lance le ptit pâton entre deux cylindre. Là, par une opération magique (mais surement mécaniquement explicable), le ptit bout ressort en une baguette. Enfin, en un cylindre. On affine un peu les bouts, on le place sur une toile placée sur une grille. 15 fois plus tard, on a une grille de baguettes. Ça repose ensuite, 20mn-une demie heure.

Après, chef Damien entre en scène. Il vient chercher la grille, il enfourne. Mais ça, moi j'ai pas le droit jusqu'à décembre-janvier.
Le plus beau, c'est le défournage. Ça sent bon, ça chante, ça réchauffe. Ça fascine le client. Ça fascine l'apprentie, aussi.

jeudi 2 octobre 2008

Exaltation et pédagogie

Retour au Grenier à Pain depuis lundi
Ça m'avait manqué. Effroyablement. Si j'avais su.
Il me manquait de voir ces beaux étals de pains de toutes sortes. Les baguettes de farine blanche classique commençaient à me lasser. Il me manquait ce goût du pain complet sur meule au levain à l'heure de la pause, celui du café à 5h du matin (!) et l'odeur à 10-11h de la viennoiserie lorsqu'elle cuit.
Alors depuis lundi, ça a recommencé. Le coucher à 20h, le réveil à 3h15, la traversée de Neuilly endormi, l'arrivée dans la boutique et le début du travail, à deux. Jusqu'à l'arrivée des pâtissiers.
Depuis lundi, sous l'œil attentif et pédagogue de Damien, ça a repris. Et miracle : je progresse !! ça devient tellement passionnant quand on y arrive mieux !
Je vide des petits pétrins de 8 bacs; alors on en fait deux dans la matinée, au lieu d'un de 16.
Je façonne les pains polka nature, ceux aux airelles et ceux aux 7 fruits secs. Les complets et les boules bio au levain. Je pèse les pétrissages au fur et à mesure, je fais aussi les baguettes viennoises. Avec la patience du grand chef, même si j'ai beaucoup de mal à accélérer et à me dynamiser, les pains deviennent moins laids.
La récompense, c'est quand je travaille, et que je l'entends crier depuis le four "Marie viens". J'accours. "Regarde tes pains là, ils sont biens ! ah, là la soudure n'est pas en bas donc ça a un peu craqué, mais là ce coup de lame, il est bien; bon par contre les baguettes viennoises ne sont pas du tout régulières, on voit la trace de tes mains, mais tu vois, là, c'est mieux que là et...". Le voilà donc le résultat, celui qu'on attend : la sortie du four. C'est en les voyant à cet instant, les pains, que l'on a envie de se dépasser.

Alors ça devient exaltant de travailler. Les journées passent à vive allure, la semaine aussi.
Ainsi suffit-il de parler bien et d'expliquer pour que l'apprentie comprenne. Et avec moins de stress et d'énergie perdue à courir pour rien, cette semaine, je n'ai même pas eu de douleur au dos. Ai réussi à mettre au frigo mes premières plaques de pâtons de croissants (12kg à tenir à bout de bras sur une plaque). Les muscles arrivent. Reviennent plutôt; l'appétit aussi. Le vrai, et celui de vivre.

(Grenier à Pain, 54 rue du Président Wilson, Levallois Perret. Venez nombreux goûter les pains spéciaux du jour. Un seul impératif : regardez tout tout tout avant de choisir ! Mieux vaut laisser passer quelques clients qui étaient derrière et découvrir ainsi que certains sandwichs sont faits dans des pains de sarrasin, ou que le format "petit pain" permet de goûter diverses spécialités... Attention, bientôt plus de pains aux cranberries, les petits pains aux pommes les remplaceront. La carte passe à l'heure d'hiver)