jeudi 29 décembre 2011

back to the blog ?

tant de journées, tant de semaines, tant de silence...
par où commencer, ...
voilà que je m'installe à Aix, que j'y cherche un nid douillet,
voilà que le Farinoman devient donc mon entreprise, le lieu de mes nuits, de mes états d'âme, le lieu où notre équipe se forme, se découvre, s'apprécie.
il y a les nuits en solo avec Cédric, différentes des nuits en solo avec Benoit. Chaque co-équipier amène son caractère, son ambiance,
chaque nuit le fournil a son humeur, les pâtes nous chantent une musique différente, sont réveillées ou non, coopérantes ou non, et nous nous y adaptons jusqu'à les mener au four
et lorsque les pâtons enfournés se dressent et gonflent à la chaleur du four, la nuit est réussie.
Noël a été intense... une frénésie incroyable. 36h de travail ininterrompu vendu en 5h à peine. Dévalisée la petite boutique ! avant même d'avoir eu le temps d'y prendre garde...
les pains craquent, chantent, se laissent croquer, dévorer ou déguster, s'effarouchent et s'effrontent
des premiers clients de la nuit, ces jeunes un peu ivres qui viennent nous raconter leurs déboires aux clients qui prennent le choco sourire du bus du travail, en passant par Maryse et Nenette, les chères repasseuses du pressing des Prêcheurs, et les deux frères charcutiers d'à côté, et tous ces forains qui se régalent du Tango à la Tanche, le 5 rue Mignet vibre au rythme aixois des visites des uns et des autres. Chacun a quelque chose à dire, à partager,
chacun a une joie à transmettre, chacun vient se réchauffer, et nous rions avec chacun. Nous les écoutons, nous leur faisons plaisir, ...

samedi 5 novembre 2011

la poésie du soir

Lire Supervielle,

sous cette pluie diluvienne

les énergies montent, Schubert résonne, puis Allegri, Christophe, Clerc, Brassens. Au gré de la lecture aléatoire de la liste de musique. Nous parlons, nous écoutons les mots du poète.

C'est fort. Très fort.

Merci.

Maintenant il n'y a plus dans la chambre que ma table allongée, mes livres, mes papiers.
Ma lampe éclaire une tête, des mains humaines,
Et mes lèvres se mettent à rêver pour leur propre compte
comme des orphelines

lundi 26 septembre 2011

Des pâtes qui ont DU GOUT !

Trois semaines à travailler sur des pâtes si nouvelles, en apparence indomptables et farouches, et finalement peu à peu (très peu à peu...) apprivoisables.

L'organisation chaque nuit nouvelle, jamais acquise, commence à m'imprégner.

Mais... pourquoi tant de saveurs ici et pas ailleurs, me direz vous...

Jmen vas vous dire la réponse (je commence à parler québécois...)

Ici, les pâtes ne sont pas pétries. Fichtre donc, pour une boulangère, en voilà une affirmation étrange !
Non, les pâtes sont frasées (c'est à dire simplement mélangées pour que la farine et l'eau fasse un truc pâteux) quelques minutes, entre 4 et 7. Avec minimum 80% d'hydratation, vous pouvez bien imaginer que ça donne quelque chose de très liquide, sans corps, sans tenue "mais comment kjvais faire pour façonner cte bouillie informe et en sortir un pain ??!!!".



Oui mais... je ne vais pas vous l'apprendre, qu'est-ce que c'est donc qui remplace le manque de pétrissage ?? Bin c'est le POINTAGE évidemment ! Le premier repos, dans le pétrin !!


Donc nos pâtes, celles du moins qui n'ont pas de levain, elles reposent dans la cuve du pétrin longtemps. Hyper longtemps. 8-9-10h...
Ah mais oui mais une pâte qui repose autant après ça gonfle informément et ça n'a pas non plus de tenue ça dégobille...

(genre la macération bizarre dans le cul de poule là, c'est le pain au thé matcha [pétri à la main siouplé] qui repose...)

Non ! Pas si on rabat les pâtes, vous devez bien le savoir, comme on la rabattait 3 fois au Grenier à Pain. Oui, sauf qu'un rabat par heure sur 9h, ça impliquerait de ne vraiment jamais dormir...

DONC, nous on a un truc éléctrique, un disjoncteur qui remet du courant 6sc par heure, et ça fait un rabat automatique sur la cuve du pétrin. Ouais, c'est dingue. Je n'ai pas réussi à comprendre, mais Benoit m'a justement dit d'arrêter de vouloir tout comprendre, ça pour le coup, c'est le job de l'éléctricien.

Ok.



DONC. Vlà que la pâte repose un siècle. Et ça lui donne du corps. On revient à la fin du siècle en question, à 2h du matin, ou 3h les jours de grasse matinée, et là, youhou, la pâte a un tout joli réseau glutineux.
Là on réalise que quand même, quand même, il y a quelque chose de magique dans la farine, dans la levure, dans le festin que se fait la levure de tous les pitis glucoses...

Bon, ok, on a compris prof, mais qu'est-ce qui ôte le goût du pain aujourd'hui ?
Beaucoup de choses.
Mais si on démarre à l'étape 2 (après l'étape 1 que sont les matières premières), on a notamment l'oxydation, qu'apporte un long pétrissage (et qui blanchit la pâte qui était d'une jolie couleur crème, et qui fait que se forme le fameux gaz Hexanal responsable de l'insipidité oui oui).

Evidemment, en moindre mesure, car il est tout de même possible de faire un pain très goûteux avec un pétrissage un poil plus long que celui de Benoit (mais pas tant), moins d'hydratation, mais là je vous parle de la signature farinoman.
Donc avec un mini pétrissage, ET un repos long comme ça, on ne PEUT PAS faire un pain pas bon. Bin oui, c'est pas plus compliqué que ça !

Voilà, la prochaine leçon de boulangerie sera sur... autre chose sans doute.

samedi 10 septembre 2011

Samedi, place des Prêcheurs...



Venir chercher son pain au Farinoman semble être partie intégrante du pèlerinage du samedi matin du bon Aixois. L’Aixois qui fait son marché place des Prêcheurs, poursuit à la boucherie, et termine à la boulangerie. Le samedi c’est jour de folie. La production démarre à 23h le vendredi soir ! L’énorme étagère à pain que l’on remplit habituellement au fil de la nuit et qui contient les produits à vendre au fil de la journée est vidée dans des sacs de farine et re-remplie à nouveau deux fois le samedi !

Le samedi, la vente ne s’arrête jamais. La boutique ne désemplit pas. L’Aixois est là, il accourt, à croire qu’il attend ce moment.

Il ya ceux qui font une quinzaine de kilomètres et qui prennent du pain pour toute la semaine car « il n’y a que chez vous que le pain est si bon », il y a ceux qui viennent à 4h, à 5h, à 6h, plutôt éméchés, et qui prennent chocosourires ou autres pains, il y a les inconditionnels de l’Isère et Ardèche, ce pain à la farine de châtaigne aux noix et aux figues qui est épuisé à 11h du matin même si on en a fait 15L. Les mordus de la Bure du Prêcheur (petit épeautre intégral et graines de lin) qui refusent à mon grand damn de goûter autre chose. Et puis il y a les gens du marché, la jeune fille des macarons, le fromager, madame du thé, ceux des légumes. Tous les producteurs bios qui viennent chercher leur Tango à la Tanche (olives, fromage de brebis, crème d’ail), ou leur chocosourire. Le samedi il y a le Grand blond au lait de chèvre, le Méteil, mon favori, le pain au gingembre quand on pense à le faire, 2 fois plus de baguettes qu’en temps normal. Le samedi, je vends, je vois les gens, je ne file pas à 9 ou 10h. Je retrouve mes habitués des 15 jours de l’été. Le samedi je revois des têtes connues, c’est la frénésie du samedi.

On met notre pain de côté tant qu’il y a encore le choix.

A partir de 11h, peu à peu, le choix se restreint, les gens qui viennent chercher leur « Ardéchois » comme ils aiment à le rebaptiser (ou « le pain noir aux figues ») sont dépités. On leur dit qu’il faut venir plus tôt, ils attendaient depuis la semaine d’avant de retrouver CE pain là. Ils se rabattent sur autre chose, ils ne seront pas déçus, assurément.

A 12h, il n’y a plus que quelques Nuages, des Alchimiches, des ficelles au sésame noir.

12h50, le dernier pain est vendu. That’s the way it is, samedi, à Aix, place des Prêcheurs…



La boutique est vide. Envolées les 11h de travail de la nuit, et quelques clients se permettent une petite boutade « mais vous n’avez rien fait cette nuit ?? ». A nos regards noirs, ils comprennent que c’était la remarque de trop.

On place le petit panneau jaune « désolée, toute la production est vendue, merci et à bientôt ». Grand ménage. 2 jours de repos.



Je reprends mon vélo, je redescends le cours Mirabeau, j’y croise les promeneurs du samedi midi. Pas les travailleurs de la semaine, lorsque je rentre vers 9h30. J’arrive chez moi. J’ai du bon pain, des légumes bios frais, du marché. Je me prépare une belle assiette avec un bon poisson

et je me fais, enfin, une dégustation royale de pain. Mon plus grand plaisir. Je tranche une part de chaque morceau, une première fois, une seconde fois, une n-ième fois, je les tartine à l’envie de 1001 mets. Je suis au paradis.



Une bonne manière de clore la semaine et de se rappeler que travailler à l’heure où les Aixois font fête est le prix à payer pour avoir le privilège de goûter un morceau de félicité en se disant « j’y étais, je l’ai fait »…

vendredi 9 septembre 2011

C'est les pâtes qui décident...

Travailler de nuit, être en plein décalage avec le monde. Drôle d’ascèse, drôle de vie. Au Farinoman, on démarre entre 2h30 et 3h. Termine à 9-10h, et puis je reviens deux fois par semaine vers 18h lancer les pâtes. Les pâtes qui restent 11h dans les pétrins, et subissent des rabats automatiques à chaque heure. Les pâtes qui prennent le temps de respirer et de grandir.

Je suis complètement décalée. Et je tâche d’apprendre à faire le pain de Benoit. Toutes les nuits recommence la réflexion, car les pâtes sont chaque fois un peu différentes. Et chaque fois, c’est la valse de la gestion du four. Quelle pâte faut-il façonner à quel moment par rapport à la place qu’il y aura au four dans une heure. Quel défi ! Anticiper le devenir de ses 5 pâtes dans l’heure et demie qui suit n’est vraiment pas facile. C’est la fameuse épreuve d’Organisation du travail du BP. Sauf qu’au BP, on a son crayon, sa gomme, et 3h devant soi (et encore, c’est trop court !) et que là, chaque nuit, il faut réagir du tac au tac.

Benoit m’apprend à orchestrer. Je tâche de l’observer en tous points. Je rentre à la maison, il est 10h15, je continue à cogiter, j’essaye de me remémorer ce que l’on a fait à quel moment. Ah non, cette nuit, il a fallu attendre une dizaine de minutes avant de façonner les nuages car sinon ils auraient dû partir au four 50mn après, mais pour cela, il aurait fallu que les Alchimiche soient sorties, et pour cela, il aurait fallu que les Alchimiches entrent au four dans 10mn, oui mais voilà, les Alchimiches, elles semblaient réclamer 20mn de pousse de plus. Et attends, là je vais tout de suite diviser les olympiques, comme ça je n’aurais pas de trou au four après les Nuages car, …

Toute la journée je continue à y penser, c’est un stage 24h/24 ! J’ai le cerveau qui bouillonne, il y a tant à comprendre, tant à apprendre…

Ce qu’il faut que j’apprenne avant Bangkok, c’est l’intelligence de l’organisation qui ne cesse de se réorganiser. L’organisation spontanée, l’organisation en mouvement. Si je parviens à faire ça, je crois que tout le reste sera aisé, …

Mais entre temps, il faut traverser le cours Mirabeau toutes les nuits avant 3h, s’astreindre à se coucher avant même le soleil, et se concentrer, chaque nuit, sur le caractère des pâtes, …

vendredi 2 septembre 2011

Voyage initiatique





Je suis revenue saluer Beyrouth après 3 ans et demi hors du Liban. J'y ai vu pour la première fois le pays sans Teita, un Jeddo plus bavard et plus ouvert avec lequel j'ai joyeusement discuté et récité des vers.
Cette gentille cohabitation d'une semaine avec le vieil homme de 98 ans, sa cuisinière, et la soeur d'icelle fut pleine de découvertes les uns des autres.
Je ne revenais pas au Liban car j'y ai trop peu d'amis et la crainte de m'y ennuyer m'empêcher de m'y envoler.



Cette semaine j'ai pu profiter de Beyrouth le jour, de Beyrouth la nuit, et de mon cher Jeddo.

Jeddo et sa voix qu'il a mis tant de temps à révéler.
"Comment me trouves tu ? Vieilli ?
-je te trouve plus bavard
-Moi, je suis un homme qui n'aime pas parler. Mais tu es là, alors je parle"

et comme tu parles ! oh oui tu parles, et tu te révèles et tu m'adoptes.



Et ce dernier déjeuner où nous avons tant discuté tu m'as dit
"au revoir, j'ai été ravie de te rencontrer. Non pas seulement physiquement, comme une jolie jeune femme, mais aussi ton esprit, qui est très beau"

et tout à coup, j'ai été bouleversée, et il m'a été très douloureux de prendre l'avion du retour.


vendredi 5 août 2011

Quitter Paris

Alors voilà, j'ai quitté Paris

...

Je me suis allégée de cette vie, j'ai laissé meubles, vélo, studio, et j'ai pris le train. Le train vers la Provence...
J'ai quitté la vie parisienne et le stress parisien. Les loyers exorbitants, la promiscuité du métro, la marche rapide sur les trottoirs.
C'était étrange de quitter le couloir du 6è étage de mon immeuble, parce que finalement, le 15ème, c'est un chouette quartier, et puis finalement tiens, les amis auxquels j'ai dit au revoir ces derniers jours, j'aurais bien aimé les revoir à nouveau, et puis finalement tiens, cette petite boutique que je ne découvre que maintenant, elle est chouette en fait...
Il va me falloir encore du temps pour perdre la parisian attitude, vous savez, cet air renfrogné quand on voit que le métro suivant est dans 4 minutes et que c'est trop, les soupirs poussés lorsque la personne devant vous marche un peu moins vite.

Alors il va falloir me défaire de cet habit.
Hier, je suis devenue vendeuse (je ne le suis que pour 15 jours, rassurez vous, je n'ai pas renié le fournil), mais je ne suis pas devenue vendeuse à Paris, je suis devenue vendeuse à Aix en Provence. Cela veut dire qu'aucun client ne se contente de prendre son pain en payant, ils discutent tous un peu, bon, il faut dire que c'est aussi l'esprit insufflé par cette boulangerie un peu atypique : les gens font le détour pour venir. Et les voilà qui rigolent, qui ont cet accent ensoleillé, qui me récitent des poèmes d'Apollinaire (si !), ...

Alors je me balade dans Aix, j'y rencontre les maraîchers, je peux cuisiner les fameux légumes du soleil et j'ai encore du mal à me dire que ce n'est pas les vacances, non, c'est ma nouvelle réalité...

dimanche 12 juin 2011

Encounter

et donc, j'ai rencontré Benoit.

Un 3° boulanger intelligent ?
Non, ce serait le réduire.

Un farinoman fou ? Comme il aime à se qualifier ?
Non, ce serait cacher son talent derrière une prétendue folie.

Un québécois amoureux de la Provence ?
On s'en approche.

Alors puisque le blog se doit de suivre les aventures mais ne peut pourtant traduire fidèlement le quotidien, je me contenterai de dire que j'ai rencontré un homme sensible et attentif à la beauté du monde et des pâtes. Qui a l'intelligence du pain et des êtres. Voilà je crois, en de très brèves lignes, ce que je peux en dire.

J'ai donc été à Aix en Provence découvrir celui qui se cachait derrière les articles de journaux et le site loufoque et j'ai eu l'impression que 3 ans d'apprentissage tombaient à l'eau devant des méthodes que je n'avais jamais vues/dont je n'avais jamais entendu parler. J'ai eu peur. De la montagne à franchir avant d'y parvenir.



Lorsque je suis revenue à Paris, et que j'ai fait les pâtes sur le poste du matin. Je me suis sentie très rassurée de bien maîtriser mon organisation et de pouvoir en jouer selon les contraintes du jour. Rassurée de voir que mes pâtes sortaient comme je le voulais, qu'elles se maniaient à la perfection et réagissaient avec obéissance. Mais je savais que ce sentiment de sécurité serait éphémère et qu'il n'était que le confort de la facilité.

Après avoir goûté les pains de Benoit - j'ai mangé tant de pains ces années, et jamais non jamais je n'avais senti des arômes si doux..., je ne pouvais plus me contenter des petites pâtes de mon quotidien. Elles me rassuraient aujourd'hui, mais demain il faudrait m'envoler. Je le devais, si je voulais satisfaire ma quête de toujours, ma quête de quelque chose de beau, d'absolu. Je me le devais. Et je le lui devais.
Il faudrait apprendre à manipuler des pâtes hydratées à 82% sans passage au froid, à valser avec le four et les différentes fermentations. Apprendre à écouter leur poésie pour pouvoir ensuite écrire sur elle et les confier aux clients quasi émus de goûter un morceau de paradis volé.





Le levain de Benoit n'est pas acide, il est tout doux. Il ne s'en sert pas pour tous ses pains, loin de là. Car il est plus dur de maîtriser le goût réussi d'un pain à la levure que de céder à l'apparente aisance du pain au levain, systématiquement acide, et très souvent bien trop (comme la baguette aux céréales du QdP) ! Ces pains n'ont pas le goût d'une bonne fermentation ou d'une bonne farine, ils n'ont que le goût de l'acidité que les boulangers/les clients aiment qualifier de "bon pain d'autrefois".

Mais ça, on le savait depuis longtemps, le pain n'a jamais été aussi bon qu'aujourd'hui. Il faut arrêter de croire que nos ancêtres mangeaient de meilleures miches. Oh non ! rien n'était réellement maîtrisé au niveau des évolutions de pâtes, les blés étaient de bien moindre qualité, on n'avait pas toute la technologie que nous pouvons avoir aujourd'hui. Aujourd'hui nous n'avons plus d'excuse pour rater nos pains.



En 2011, manger du mauvais pain est un scandale. Je ne peux m'y résigner, il faut aller apprendre aux côté de Benoit.

Nous n'avons plus le droit de faire du mauvais pain, non, plus le droit...
J'ai une mission à honorer.

samedi 4 juin 2011

Le BP est passé.

cet examen est un marathon, une épreuve physique et mentale. Il faut tenir bon, rester focalisé. Mais de toute manière on n'a pas le choix. 12h pendant lesquelles je n'ai même pas regardé les autres, j'étais dans ma bulle, totalement centrée sur mes viennoiseries qui avaient poussé si vite que je n'ai pu diviser ma tradition que 45min après l'heure prévue, avec des plaques de croissants et de brioches au four, et du pain de campagne, de seigle, et bio qui était censé se pétrir.




la pression n'a commencé à retomber qu'à la fin du façonnage de la tradition. Il ne me restait "qu'à" la cuire, diviser/façonner les spéciaux (une trentaine de pièces), faire mon décor, garnir/cuire mes quiches, décorer mes viennoiseries garnies.




A ce moment j'ai respiré 2secondes, ai pu aller aux toilettes, sourire à Didier et Enguerran, et recommencer la course effrénée.

***

A 13h50, j'étais la première à avoir terminé. J'ai eu envie de m'asseoir.
je ne l'ai pas fait, il fallait présenter tous ses produits pour laisser le jury délibérer.




A 15h, avec les gars, au foyer, on a fait quelque chose de vraiment agréable on a retiré nos chaussures de sécurité, ces coques de torture, et là, on a poussé un râle de plaisir



A 16h on est retournés dans les labos faire le ménage et regarder les produits les uns des autres. Il ne fallait soit disant pas y toucher (au cas où le jury revient sur une décision).
Sur mon tour, il ne restait que quelques croissants, 3 brioches tête, 2 baguettes de tradition... J'étais dégoûtée, je n'ai rien compris, j'ai piqué une crise. OU EST MA PRODUCTION ?? Je veux faire des photos !!




"Marie, tu crois pas que si le jury s'est servi sur ton tour c'est bon signe ?"
ah si.

ouais mais quand même
tout mon travail évaporé.

J'ai ressenti un grand vide. Comme si 12h de travail acharné avait disparu sans même que je ne l'apercoive.


A 18h30, les deux zigotos m'avaient arrosée à l'eau du refroidisseur. Dans le dos, dans les cheveux. Leur manière de me dire au revoir, sans doute.

A 20h10 je suis partie,

J'ai quitté l'Ecole de Boulangerie, mais je n'avais pas le coeur serré que j'avais pu avoir à la fin de ma dernière semaine de cours, non, car tout allait maintenant commencer !


****

Lorsque j'ai écrit le dernier article de mon blog, je n'avais pas fait la rencontre de Benoit.

Et depuis tout a changé.

Les perspectives, les espoirs,

depuis le cercle est devenu vertueux,
il y a eu la jolie fête surprise de la famille,

les émotions

la roue a tourné,
j'avais raison de dire dans ce dernier article que j'allais aimer la vie qui m'attendait. Il le fallait, il fallait le penser alors pour que la vie devienne aim
able.

Une explosion de saveurs acidulées ...




(photos des quelques pains/viennoiseries qu'il restait sur mon buffet. Manque toute la tradition [hormis les petits pains], les couronnes, tresses, grosses brioches tête, la moitié des croissants et des brioches garnies....
le pain décoré était sur le thème du mariage)

vendredi 20 mai 2011

Life moving on

Mai 2011.

Voilà que 3 longues années d'apprentissage s'achèvent.

Les 25 ans frappent à ma porte.

Je suis anxieuse. Je suis apaisée pourtant.
A la croisée de mille sentiments.

Je regarde ces trois années si éreintantes, durant lesquelles je me suis sentie en constante métamorphose. En septembre 2008, j'étais cette apprentie timorée maigrichonne, qui ne savait pas trop encore comment creuser son trou là dedans,

et puis j'ai repris du poil de la bête, je me suis musclée, et j'ai appris à travailler, à bien travailler, à
considérer mon travail, à faire confiance à mes mains,

mes mains ont appris. Mes mains rugueuses et écorchées.
Tous les dimanches devant mes bobos mon papa est affligé. Affligé de voir ce que deviennent mes mains, mes jolies mains. Je n'aurai plus jamais des mains douces de princesse, j'aurai les mains de l'artisan du matin. Des mains devenues dures de caresser la pâte - si douce pourtant.

Trois années à côtoyer un monde masculin, trois années où à l'école comme au fournil j'ai été la seule fille. Paumée au milieu des discussions de foot et de cul.
Paumée au milieu des fautes de français et des fautes de goût, à me dire que quelque chose de plus beau et de plus grand arriverait - indubitablement, il le fallait.
Paumée entre des livres qui s'étaient refermés les uns après les autres et des pages qui ne parvenaient plus à s'écrire. Oui, je me suis éloignée de ce monde de lettres, mais je l'ai senti se refermer à moi. Incapable de me remettre à lire ou à écrire correctement, je me suis perdue au milieu de moi-même.
Et ça m'a fait très peur. J'ai eu peur d'être devenue une autre, d'avoir pris le mauvais chemin. Je ne me reconnaissais plus dans aucun groupe...

et j'ai encore peur aujourd'hui parfois - souvent.



Mais que serait une vie sans risque et sans peur ?
Ne s'y niche pas toute source d'adrénaline...?

Les mois sont passés, à force de m'obstiner, j'ai appris. J'ai appris à réussir une fois les croissants, puis à les réussir une 2° fois, à passer de la margarine au beurre, à les faire de plus en plus réguliers. A comprendre la texture du beurre, à sentir la pâte sous mon rouleau, à ne pas trop la manipuler, à ne pas violenter les feuillets si fragile de la viennoiserie à la française.
La viennoiserie... ma plus grande fierté...







J'ai appris - j'apprends encore, à façonner la tradition avec douceur, à ne pas la malmener, à faire confiance à sa force sans lui en donner trop.
Je ne comprends toujours pas comment un métier qui exige une telle sensibilité (sensualité ?) du toucher soit exclusivement fait par des brutes épaisses.



Les mois sont passés... j'ai appris à avoir du caractère, à être "la boulangère" sans autre qualificatif
(je n'oublierai jamais cette conversation téléphonique entre le nouveau patron de mon ancienne boîte et Karim, à l'époque où je voulais rompre mon contrat, et où personne ne voulait signer cette rupture : "oui allô ? Je suis avec la ptite boulangère là". La ptite boulangère, ce n'était pas la peine de dire Marie, c'était suffisant)
Oui je suis devenue la boulangère. Marie la boulangère
Marie qui a son caractère et qui ouvre un peu sa gueule. Marie qui aime comprendre les fermentations et qui a besoin de réponses intelligentes de boulangers intelligents.

J'en ai rencontré.
Deux.

Ils m'ont aidée (sans le savoir ?), ils m'ont appris à avoir confiance. Il y a toujours des personnes sur la route qui vous marqunte et vous font grandir. Ils ne vous portent pas, non, ils vous montrent simplement à la lumière de leur bougie où est la petite marche sur laquelle il faut grimper pour mieux voir, pour être plus à l'aise.
Il y a eu D. Il y a eu S.
Je ne sais pas encore comment leur dire ma reconnaissance.

Les mois sont passés, et j'ai appris à reconstruire une vie à côté du fournil, à ne plus penser farine, respirer boulange. A me remettre à sortir, à me balader, à aller au théâtre, à jouer au clown, à jouer Marivaux,


Les mois sont passés, j'ai appris à apprécier le bon pain. J'ai appris ce métier
Les mois sont passés et je suis devenue incapable de passer un repas sans pain, j'en suis aujourd'hui totalement dépendante. Je pensais que je m'en lasserais. Il n'en est rien. Chaque jour ses arômes me séduisent et m'étonnent. Chaque jour, oui chaque jour ils me surprennent !




J'ai 25 ans, l'avenir m'excite
et il m'effraie tant.

Ces trois années étaient-elles un jeu en attendant mieux...?
Où sont-elles véritablement les premiers pavés de la route du pain... où va cette route... j'ai encore besoin d'un GPS, d'une carte

qui m'épaule et me guide.

alors je pourrai marcher, trébucher, me relever

et sourire.
Et mettre ma main dans toutes celles de ceux qui m'accompagneront.

Je l'aime, je l'aime tant, la vie qui m'attend.