dimanche 12 juin 2011

Encounter

et donc, j'ai rencontré Benoit.

Un 3° boulanger intelligent ?
Non, ce serait le réduire.

Un farinoman fou ? Comme il aime à se qualifier ?
Non, ce serait cacher son talent derrière une prétendue folie.

Un québécois amoureux de la Provence ?
On s'en approche.

Alors puisque le blog se doit de suivre les aventures mais ne peut pourtant traduire fidèlement le quotidien, je me contenterai de dire que j'ai rencontré un homme sensible et attentif à la beauté du monde et des pâtes. Qui a l'intelligence du pain et des êtres. Voilà je crois, en de très brèves lignes, ce que je peux en dire.

J'ai donc été à Aix en Provence découvrir celui qui se cachait derrière les articles de journaux et le site loufoque et j'ai eu l'impression que 3 ans d'apprentissage tombaient à l'eau devant des méthodes que je n'avais jamais vues/dont je n'avais jamais entendu parler. J'ai eu peur. De la montagne à franchir avant d'y parvenir.



Lorsque je suis revenue à Paris, et que j'ai fait les pâtes sur le poste du matin. Je me suis sentie très rassurée de bien maîtriser mon organisation et de pouvoir en jouer selon les contraintes du jour. Rassurée de voir que mes pâtes sortaient comme je le voulais, qu'elles se maniaient à la perfection et réagissaient avec obéissance. Mais je savais que ce sentiment de sécurité serait éphémère et qu'il n'était que le confort de la facilité.

Après avoir goûté les pains de Benoit - j'ai mangé tant de pains ces années, et jamais non jamais je n'avais senti des arômes si doux..., je ne pouvais plus me contenter des petites pâtes de mon quotidien. Elles me rassuraient aujourd'hui, mais demain il faudrait m'envoler. Je le devais, si je voulais satisfaire ma quête de toujours, ma quête de quelque chose de beau, d'absolu. Je me le devais. Et je le lui devais.
Il faudrait apprendre à manipuler des pâtes hydratées à 82% sans passage au froid, à valser avec le four et les différentes fermentations. Apprendre à écouter leur poésie pour pouvoir ensuite écrire sur elle et les confier aux clients quasi émus de goûter un morceau de paradis volé.





Le levain de Benoit n'est pas acide, il est tout doux. Il ne s'en sert pas pour tous ses pains, loin de là. Car il est plus dur de maîtriser le goût réussi d'un pain à la levure que de céder à l'apparente aisance du pain au levain, systématiquement acide, et très souvent bien trop (comme la baguette aux céréales du QdP) ! Ces pains n'ont pas le goût d'une bonne fermentation ou d'une bonne farine, ils n'ont que le goût de l'acidité que les boulangers/les clients aiment qualifier de "bon pain d'autrefois".

Mais ça, on le savait depuis longtemps, le pain n'a jamais été aussi bon qu'aujourd'hui. Il faut arrêter de croire que nos ancêtres mangeaient de meilleures miches. Oh non ! rien n'était réellement maîtrisé au niveau des évolutions de pâtes, les blés étaient de bien moindre qualité, on n'avait pas toute la technologie que nous pouvons avoir aujourd'hui. Aujourd'hui nous n'avons plus d'excuse pour rater nos pains.



En 2011, manger du mauvais pain est un scandale. Je ne peux m'y résigner, il faut aller apprendre aux côté de Benoit.

Nous n'avons plus le droit de faire du mauvais pain, non, plus le droit...
J'ai une mission à honorer.

samedi 4 juin 2011

Le BP est passé.

cet examen est un marathon, une épreuve physique et mentale. Il faut tenir bon, rester focalisé. Mais de toute manière on n'a pas le choix. 12h pendant lesquelles je n'ai même pas regardé les autres, j'étais dans ma bulle, totalement centrée sur mes viennoiseries qui avaient poussé si vite que je n'ai pu diviser ma tradition que 45min après l'heure prévue, avec des plaques de croissants et de brioches au four, et du pain de campagne, de seigle, et bio qui était censé se pétrir.




la pression n'a commencé à retomber qu'à la fin du façonnage de la tradition. Il ne me restait "qu'à" la cuire, diviser/façonner les spéciaux (une trentaine de pièces), faire mon décor, garnir/cuire mes quiches, décorer mes viennoiseries garnies.




A ce moment j'ai respiré 2secondes, ai pu aller aux toilettes, sourire à Didier et Enguerran, et recommencer la course effrénée.

***

A 13h50, j'étais la première à avoir terminé. J'ai eu envie de m'asseoir.
je ne l'ai pas fait, il fallait présenter tous ses produits pour laisser le jury délibérer.




A 15h, avec les gars, au foyer, on a fait quelque chose de vraiment agréable on a retiré nos chaussures de sécurité, ces coques de torture, et là, on a poussé un râle de plaisir



A 16h on est retournés dans les labos faire le ménage et regarder les produits les uns des autres. Il ne fallait soit disant pas y toucher (au cas où le jury revient sur une décision).
Sur mon tour, il ne restait que quelques croissants, 3 brioches tête, 2 baguettes de tradition... J'étais dégoûtée, je n'ai rien compris, j'ai piqué une crise. OU EST MA PRODUCTION ?? Je veux faire des photos !!




"Marie, tu crois pas que si le jury s'est servi sur ton tour c'est bon signe ?"
ah si.

ouais mais quand même
tout mon travail évaporé.

J'ai ressenti un grand vide. Comme si 12h de travail acharné avait disparu sans même que je ne l'apercoive.


A 18h30, les deux zigotos m'avaient arrosée à l'eau du refroidisseur. Dans le dos, dans les cheveux. Leur manière de me dire au revoir, sans doute.

A 20h10 je suis partie,

J'ai quitté l'Ecole de Boulangerie, mais je n'avais pas le coeur serré que j'avais pu avoir à la fin de ma dernière semaine de cours, non, car tout allait maintenant commencer !


****

Lorsque j'ai écrit le dernier article de mon blog, je n'avais pas fait la rencontre de Benoit.

Et depuis tout a changé.

Les perspectives, les espoirs,

depuis le cercle est devenu vertueux,
il y a eu la jolie fête surprise de la famille,

les émotions

la roue a tourné,
j'avais raison de dire dans ce dernier article que j'allais aimer la vie qui m'attendait. Il le fallait, il fallait le penser alors pour que la vie devienne aim
able.

Une explosion de saveurs acidulées ...




(photos des quelques pains/viennoiseries qu'il restait sur mon buffet. Manque toute la tradition [hormis les petits pains], les couronnes, tresses, grosses brioches tête, la moitié des croissants et des brioches garnies....
le pain décoré était sur le thème du mariage)