C’est le 22 octobre, je suis toujours sans emploi, mes
journées s’enchaînent sans être toujours remplies. Elles perdent le sens que je
pensais leur donner, alors je les remplis de prières, comme des petites perles
semées le long d’un chemin où les gens marchent plus vite que moi. Je retrouve
dans les pages de mon ordinateur des textes écrits à 17 ans, j’y réalise
combien la colocation avec Nicolas me marquait, par ses petites taquinades et
notre relation complice. Je retrouve des tas de choses qui se sont entassées
dans la mémoire vive (ou non) de mon écran en couleurs. Les mots remplissent et
débordent partout. Je ne cessais d’écrire. Tout est consigné, dans un joyeux
désordre, des paragraphes par ci, par là.
Des lettres écrites, pas toujours envoyées.
Je retrouve une Marie fraîche et joyeuse, émerveillée de l’arc en ciel d’un jeudi saint, désespérée l’année de l’hypokhâgne. Je me retrouve et me redensifie.
Puis je ferme tous les documents, je retourne visiter mes fonds de commerce et passer à la vie qu’on ne rêve plus, la vie des grands où les études de marché et business plan ont pris le pas des arc en ciel de mon adolescence !
Des lettres écrites, pas toujours envoyées.
Je retrouve une Marie fraîche et joyeuse, émerveillée de l’arc en ciel d’un jeudi saint, désespérée l’année de l’hypokhâgne. Je me retrouve et me redensifie.
Puis je ferme tous les documents, je retourne visiter mes fonds de commerce et passer à la vie qu’on ne rêve plus, la vie des grands où les études de marché et business plan ont pris le pas des arc en ciel de mon adolescence !
Suis-je donc une trouillarde de la vie ou une joyeuse de la
vie ? Je sais faire du pain, de quoi ai-je peur avant de me lancer ?
Eh bien moi je crois qu’il y a une petite voix en moi,
peut-être un peu lâche, mais qui est la voix sensible. Celle qui me dit que
oui, aujourd’hui, je sais faire du pain mais je ne sais pas faire une famille. Et
que si je veux réussir à faire les deux un jour, il faudra apprendre à faire du
pain en douceur et pas du pain comme une brute, il faudra réussir à dessiner un
projet porteur de sens, dans lequel tout ait une place. Ou le déséquilibre sera
constant.
Et en ce moment les gens que je rencontre sont des
boulangers qui ont fait la place à leur corde sensible aussi, à leurs passions,
et ce n’est qu’ainsi d’ailleurs que leur pain est bon. Ils le font en sachant
qu’autre chose existe, ils refusent d’être dévorés, et leurs yeux brillent.
Alors peut-être que dans cette boulangerie qui va naître, il
y aura la place aux mots, ces mots enfouis, perdus, dans lesquels j’aime me
lover, il y aura Beethoven et Supervielle. Des mélodies et des livres, des
tirades de théâtre pleines de miettes de pain. Des cheveux bouclés en fouillis,
et ce n’est qu’ainsi que je pourrai mettre plein de sourire et de joie dans mes
pâtes.
Et alors je serai une boulangère joyeuse de la vie.